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L'ordonnance de protection contre les violences conjugales, comment se protéger ?

La loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 et le décret n° 2010-1134 du 29 septembre 2010 ont instauré une nouvelle procédure de protection des victimes de violences conjugales aux articles 515-9 à 515-13 du Code civil et 1136-3 à 1136-13 du Code de procédure civile. Il s’agit de l’ordonnance de protection.

Ainsi, l’article 515-9 du Code civil dispose que : « Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. »

En outre, l’urgence d’une telle procédure a conduit le législateur, par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014,  a exigé que l'ordonnance de protection soit rendue dans les meilleurs délais ou en urgence.

Cette procédure doit néanmoins répondre à certaines conditions (I) afin que la procédure (II) permettant dans le cadre du droit de la famille la délivrance de l’ordonnance soit envisagée par le Juge aux affaires familiales (III).

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À quelles conditions peut-on demander la délivrance d’une ordonnance de protection ?

La délivrance d’une ordonnance de protection est soumise à plusieurs conditions relatives d’une part à l’identité des parties (a), et d’autre part à l’existence de violences (b). De plus, la situation du mariage forcé est un cas particulier pouvant donner lieu à la délivrance d’une ordonnance de protection (c).

a. L’identité de la victime

Les violences conduisant à la délivrance d’une ordonnance de protection peuvent être exercées soit au sein d’un couple, soit à l’encontre d’un enfant par un membre du couple.

La victime peut être un membre du couple :

La notion de couple doit être entendue largement. En effet, les  violences perpétrées au sein d’un couple, marié ou non, mais encore celles dont l’auteur est un ancien conjoint, partenaire ou concubin, sont susceptibles de faire l’objet d’une demande d’ordonnance de protection.

La victime peut être un enfant du couple :

Les violences commises par un membre du couple, parent ou non, sur un enfant ouvrent également droit à une ordonnance de protection. Cependant, ce n’est pas le cas des violences produites au sein d’une fratrie ou par un enfant sur ses parents.

b. Les violences donnant lieu à la délivrance d’une ordonnance de protection

Les violences auxquelles l’article 515-9 du Code civil fait référence doivent remplir trois critères. Elles doivent être physiques ou psychologiques, vraisemblables et en tout état de cause mettre la victime dans une situation de danger.

Violences physiques ou psychologiques

Physiques, psychologiques ou morales, la loi du 9 juillet 2010 propose une conception étendue des violences pouvant ouvrir droit à la délivrance d’une ordonnance de protection. La menace elle-même peut désormais être constitutive de violence.

Violences vraisemblables

L’article 515-11 du Code civil permet un allègement de la preuve des violences en estimant que celles-ci doivent être vraisemblables, c’est à dire apparentes ou plausibles. Néanmoins, la preuve de violences morales ou de menaces reste difficile à apporter pour la victime. Elle peut l’être notamment par les documents suivants : attestation, plainte, certificat médical, procès-verbal d’audition, photographies etc.

Le dépôt d’une plainte avec des constatations médicales (ITT, etc…) assure du sérieux de la demande d’ordonnance de protection.

Violences créant un danger pour la victime

L’article 515-9 du Code civil dispose que : « les violences […] mettent en danger la personne qui en est victime ». L’existence d’un danger pour la victime est une condition nécessaire à la demande d’ordonnance de protection. L’existence d’un danger sera souvent retenue en cas de violences répétées ou graves. Cette condition indispensable est appréciée indépendamment de la constatation de violences vraisemblables. (voir l’article « Une ordonnance de protection refusée au motif de l’absence de danger malgré des violences conjugales avérées », co-rédigé par Me Sophia BINET et Melle Helena LAJRI, IEJ Nanterre Université, site internet de Me Sophie BINET).

c. Le cas particulier du mariage forcé

Lorsque des violences sont perpétrées sur une personne majeure en vue d’un mariage forcé, que l’union soit civile ou religieuse, et célébré en France ou à l’étranger, la délivrance d’une ordonnance de protection peut être demandée (article 515-13 du Code civil). En revanche, dans une telle situation la preuve est plus stricte et la simple vraisemblance de violences ne suffit pas.

Comment faire pour obtenir la délivrance d’une ordonnance de protection ?

L’ordonnance de protection sera délivrée à l’issue d’une procédure orale et contradictoire définie aux articles 1136-3 à 1136-13 du Code de procédure civile. À la suite de la saisine du Juge aux affaires familiales (a), les parties seront convoquées par le Juge (b) dans le but d’une audience (c[SB1] ).

a. Comment saisir le Juge des affaires familiales ?

La demande de délivrance d’une ordonnance de protection se fait dans un premier temps par la saisine du Juge aux affaires familiales (JAF) soit par la victime soit par le Ministère public.

La victime peut saisir le Juge par requête remise ou adressée au greffe (voir les mentions prescrites à l’article 58 du CPC) ou alors par voie d’assignation en la forme des référés (voir les mentions prescrites à l’article 56 du CPC). Il en est de même pour le Ministère public qui pourra saisir le Juge uniquement après avoir obtenu l’accord de la victime.

A noter que pour sa protection, la victime peut demander à ce que son adresse soit dissimulée dans l’acte introductif d’instance.

b. Les parties sont-elles convoquées ?

Les parties seront convoquées soit par voie de greffe en recevant une lettre recommandée, soit par convocation administrative en cas de danger grave ou imminent pour la victime de violences. Ainsi, les services de police ou de gendarmerie remettent en mains propres la convocation au défendeur.

c. Comment se déroule l’audience ?

Avant toute chose le Juge peut tenter de mettre en place une médiation familiale.

Il peut ensuite décider d’auditionner les parties en même temps ou séparément avant l’audience, ou encore lors de l’audience elle-même. Les parties ont le droit de se faire assister ou représenter par un avocat, ce qui semble préférable au vue la complexité de la situation, ainsi que de la particularité de la procédure et des preuves à apporter pour se défendre en qualité de victime ou de présumé auteur des violences.

Quelles sont les conséquences de la délivrance d’une ordonnance de protection ?

Si le Juge retient que les violences vraisemblables mettent la victime dans une situation dangereuse, il autorise la délivrance d’une ordonnance de protection et met en place des mesures variées assurant la sécurité de la victime (a). Ces mesures répondent à un régime particulier (b).

a. Les mesures de protection de la victime

L’ordonnance de protection peut faire état de diverses mesures relatives à une interdiction, à une obligation, aux enfants communs, au logement, aux finances du couple …

L’article 515-11 du Code civil dispose que par la délivrance d’une ordonnance de protection le JAF peut :

« 1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu'il désigne les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe ;

3° Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence ;

4° Attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin ;

5° Se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;

6° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie ;

7° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence pour les besoins de la vie courante et à élire domicile chez une personne morale qualifiée ; (…) »

 

Par ailleurs, la constatation du Juge de l’existence de violences conjugales peut avoir des conséquences administratives pour la victime des autorisations relatives à un titre de séjour. Il peut s’agir d’un renouvellement ou de la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » (L316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), ou encore en cas de condamnation pénale définitive de l’auteur des violences, la victime pourra obtenir une carte de résident (L316-4 du même code).

b. Les modalités d’exécution des mesures précitées

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2014, ces mesures sont prononcées pour une durée maximum de 6 mois à compter de la notification de l’ordonnance de protection (515-12 du Code civil).

La prolongation de ce délai s’opère lorsqu’une requête en divorce ou en séparation de corps est déposée, ou encore, depuis la loi du 4 août 2014, en cas de requête relative à l’autorité parentale.

De plus, le contenu de l’ordonnance peut évoluer au cours du temps. Le Juge décide parfois de supprimer, modifier, ou ajouter une mesure à l’ordonnance.

L’inexécution des mesures constitue un délit selon les articles 227-4-2 et  227-4-3 du code pénal. Le premier dispose que le non-respect de l’ordonnance est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende. Le second sanctionne l’absence de notification d’un changement d’adresse par le débiteur tenu de payer une contribution dans le cadre d’une ordonnance de protection.

En tout état de cause, l’ordonnance de protection est susceptible d’appel dans les 15 jours à compter de sa signification.

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