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Capitalisation des intérêts et prestation compensatoire

Le 28 juin 2023

Le Juge aux affaires familiales, lors d'un divorce, peut mettre en place de lui-même la capitalisation des intérêts d'une prestation compensatoire, mais les parties peuvent aussi en faire la demande.

Dans un arrêt du 5 avril 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a précisé les contours de l’article 1343-2 du Code civil, confirmant la possibilité pour le juge d'ordonner la capitalisation des intérêts d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent.

En l’espèce, lors du prononcé d’un divorce, l’époux est condamné à verser une prestation compensatoire de 170.000 €à son ex-épouse. Cette dernière demande en appel à ce que cette condamnation soit assortie de la capitalisation des intérêts.

La Cour d’appel de Paris rejette cette demande au motif qu’elle relève “du juge de l’exécution en cas de défaut de paiement”. La demanderesse se pourvoit dès lors en cassation.

La Haute juridiction casse l’arrêt estimant que les seules conditions pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

Cette solution étend la possibilité d'appliquer le mécanisme de la capitalisation des intérêts, dans le cadre d’une procédure de divorce, au titre d’une condamnation au versement d’une prestation compensatoire.

La Cour précise que “les seules conditions pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière, la cour d'appel a violé le texte susvisé”.

  • L’anatocisme ou capitalisation des intérêts

L’anatocisme signifie que les intérêts génèrent eux-mêmes des intérêts.

En vertu de l’article 1343-2 du Code civil : “Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.”

Il en résulte que les intérêts qui sont intégrés au capital peuvent, eux-mêmes, produire des intérêts. Ainsi, les intérêts capitalisés constituent un nouveau capital s’ajoutant au premier.

Contrairement aux intérêts simples, les intérêts capitalisés sont appréciés lors de la détermination des intérêts futurs.

Dans un arrêt du 20 janvier 1998, la chambre commerciale de la Cour de cassation a décrit le mécanisme de la capitalisation des intérêt : « lorsque le créancier et le débiteur sont convenus […] que les intérêts à échoir se capitaliseront à la fin de chaque année pour produire eux-mêmes des intérêts, ils constituent non plus des intérêts mais un nouveau capital qui s’ajoute au premier ». (​​Cour de Cassation, com., 20 janvier 1998, n°95-21.185, inédit)

Dès lors, l’arrêt rendu par la haute juridiction le 5 avril 2023 s’avère être l’extension au droit civil d’une juridiction communément acquise en commerce.

  • Les conditions de la capitalisation des intérêts

La source :

En vertu de l’article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts n’est possible que si elle a été prévue par le contrat ou précisée par une décision de justice.

En l’espèce, dans l’arrêt du 5 avril 2023 l’anatocisme trouve sa source dans la condamnation de l’époux au versement d’une prestation compensatoire de 170 000€ lors du prononcé de divorce. 

La lettre de l’article 1343-2, prévoyant que l’anatocisme peut jouer “si une décision de justice le précise”, insinue que pour obtenir la capitalisation des intérêts, il n’est plus nécessaire de formuler une nouvelle demande en justice, notamment devant le juge de l’exécution.

Dès lors, le juge possède la faculté de prononcer la capitalisation des intérêts à son initiative, sans se fonder sur la demande de l’une des parties.

 

La durée :

En vertu de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts n’est possible que si les intérêts échus sont “dus au moins pour une année entière”.

Dès lors, une exigence de durée est posée, celle de la périodicité annuelle. Cette règle a pour but d’empêcher que le poids de la dette ne soit excessivement alourdi. 

Cette règle est d’ordre public, ce qui signifie que les parties ne peuvent pas y déroger. 

Cour de cassation, 1r° civ., 5 avril 2023, n° 21-19.870

Article corédigé par Maître Sophia BINET et Melle Lilou MIGNOT, Étudiante en Licence de Droit, Faculté Paris 1 Panthéon-Sorbonne