L’adoption plénière de l’enfant du concubin : position de la jurisprudence
L’adoption plénière de l’enfant du concubin peut être jugée contraire à l’intérêt de l’enfant, en ce qu’elle conduit à rompre le lien de filiation avec le parent biologique.
Par un arrêt récent du 28 février 2018, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu’une personne seule ne peut pas adopter l’enfant de son concubin en la forme plénière, puisque ce type d’adoption aurait pour effet d’effacer le lien de filiation d’origine de l’enfant, ce qui était contraire l’intérêt supérieur de l’enfant en l’espèce.
Le droit français prévoit en effet deux types d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple.
L’adoption plénière est la forme d’adoption dont les conséquences sont les plus radicales, puisque contrairement à l’adoption simple, elle a pour effet de substituer au lien de filiation d’origine de l’enfant, un nouveau lien de filiation adoptive, aussi fort qu’un lien de filiation biologique (article 356).
En l’espèce, une femme avait présenté une requête en adoption plénière de la fille de son ex concubine, qui était la mère biologique de l’enfant. L’enfant avait donc été élevé par les deux femmes, mais sa filiation n’était établie qu’à l’égard de sa mère biologique.
Par un arrêt du 24 novembre 2016, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté la demande, au motif qu’une telle adoption conduirait à rompre le lien de filiation unissant l’enfant à sa mère biologique, ce qui était contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant en l’espèce.
Sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la requérante faisait valoir que dans la mesure où l’intérêt supérieur de l’enfant impose à l’État de permettre à un lien familial établi de se développer, la cour d’appel aurait dû permettre l’établissement de cette filiation tout en conservant la filiation d’origine, car elle correspondait à un lien affectif existant.
Cependant en l’espèce, la 1ère Chambre civile valide le raisonnement de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et rejette la demande formée par la requérante, considérant que « le droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’impose pas de consacrer, par une adoption, tous les liens d’affection fussent-ils anciens ».
Il est en effet rappelé que si l’article 343-1 du Code civil autorise toute personne âgée de plus de 28 ans à adopter, seule, un enfant en la forme plénière, quelle que soit son orientation sexuelle, une adoption de cette nature a nécessairement pour effet d’effacer le lien de filiation de l’enfant avec sa famille d’origine.
La 1ère Chambre civile juge qu’une telle adoption est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant en l’espèce, puisqu’elle conduirait à rompre le lien de filiation à l’égard de la mère biologique, alors que l’enfant résidait auprès d’elle depuis la séparation.
La 1ère Chambre civile précise que la solution aurait été différente si le couple avait été marié. L’article 345-1 du Code civil admet en effet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, sans que le lien de filiation d’origine soit rompu, à condition toutefois que la filiation de l’enfant ne soit établie qu’à l’égard d’un seul parent.
Cet article concerne cependant uniquement les couples mariés, de telle sorte qu’il n’est pas possible pour un concubin ou un partenaire pacsé d’adopter l’enfant de l’autre.
L’article 346 du Code civil relatif à l’adoption conjointe exclut également les concubins et les partenaires d’un PACS, qui ne peuvent donc pas adopter ensemble un enfant en la forme plénière, ceci étant réservé aux couples mariés.
L’adoption simple n’est pas non plus une solution évidente pour les couples de concubins ou les partenaires d’un PACS puisque si ce type d’adoption n’entraine pas la rupture du lien de filiation à l’égard du parent d’origine, il conduit cependant à lui faire perdre son autorité parentale.
Pour l’heure, le droit français n’apporte donc pas de réelle alternative aux concubins ou aux partenaires d’un PACS qui souhaitent adopter conjointement un enfant ou adopter l’enfant de l’autre, une solution qui pourrait toutefois être amenée à évoluer dans les années à venir.
Cass. 1ère Civ, 28 février 2018, n°17-11069
Article corédigé par Me Sophia BINET et Clotilde DELABRE, Étudiante à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne