Pas d'indemnité, en communauté, pour l’époux ayant travaillé pour son conjoint
Quel que soit leur régime matrimonial, les époux ont l’obligation de contribuer aux charges du mariage.
Autrement dit, les époux doivent, pendant toute la durée de leur mariage, se répartir les charges de la vie courante.
La plupart du temps, la contribution aux charges du mariage s’exécute sous forme pécuniaire, par le financement des dépenses. Mais, elle peut également s’exécuter en nature par exemple par la mise à disposition gratuite d’un logement ou en industrie par la collaboration gratuite à l’activité professionnelle de l’autre.
Conformément à l’article 214 du Code civil, les époux sont par principe libres de fixer le montant de la contribution aux charges du mariage dans leur contrat de mariage.
A défaut de précision dans le contrat de mariage, les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
En cas de séparation, l’époux qui a contribué plus que sa part peut alors exercer un recours contre l’autre pour demander un remboursement sur le fondement de l’enrichissement injustifié.
Pour qu’une telle action puisse prospérer, l’article 1303-1 du Code civil, pose toutefois trois conditions qui doivent être cumulativement réunies : un enrichissement d’un époux, un appauvrissement corrélatif de l’autre, et une absence de cause justifiant ce mouvement de valeurs.
Dès lors, l’époux qui a collaboré gratuitement à l’activité professionnelle de son conjoint peut-il exercer obtenir une indemnité sur le fondement de l’enrichissement sans cause ?
Mais est-ce possible pour tous, quel qu’en soit le régime matrimonial ? Non.
Comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation par un arrêt du 17 avril 2019, la jurisprudence distingue selon que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens ou sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts.
Il est de jurisprudence constante que sous le régime de la séparation de biens, l’époux qui a collaboré gratuitement à l’activité professionnelle de son conjoint peut lui ouvrir droit à une indemnité, lorsque sa collaboration est allée au-delà d’une simple contribution aux charges du mariage (Civ, 1ère, 18 novembre 1997, n° 96-10.990).
En effet, lorsque les époux sont séparés de biens, les gains et salaires restent des biens personnels à celui qui les perçoit, de sorte que celui qui a collaboré gratuitement à l’activité professionnelle de son conjoint s’est bien appauvri.
En revanche, sous le régime légal, les gains et salaires sont des biens qui tombent dans la communauté, ce que rappelle la Cour de cassation.
Dès lors, la Cour de cassation en déduit que « l’époux commun en biens qui a participé sans rémunération à l’activité de son conjoint ne subit aucun appauvrissement personnel lui permettant d’agir au titre de l’enrichissement sans cause ».
Dans cette affaire, l’épouse avait travaillé pendant 18 ans, de 1969 à 1987 à l'agence d'assurances et de courtage appartenant en propre à son époux avoir perçu de salaire.
Ce « manque à gagner » pouvait être estimé à la somme de 136 032,68 euros que le conseil de l’épouse avait proposé lors des opérations de liquidation partage être considéré comme récompense que lui devait la communauté.
L’épouse a alors tenté d’agir contre l’époux sur le fondement de l'enrichissement sans cause et avait obtenu devant les Juges du fond une condamnation à son profit à hauteur de 54.000 euros qui apparaissaient selon eux, de nature à compenser cet appauvrissement au regard de l'enrichissement corrélatif du mari.
Cette position n’a donc pas été celle retenue par la Cour de cassation.
L’époux qui a collaboré gratuitement à l’activité professionnelle de l’autre ne peut se prévaloir d’un quelconque appauvrissement, puisque les revenus perçus par son conjoint sont des biens communs dont il a vocation à bénéficier.
Mariés sous le régime de la communauté, et même si sa collaboration est allée au-delà de son obligation de contribuer aux charges du mariage, l’époux ne pourra pas obtenir une indemnité en agissant sur le fondement de l’enrichissement injustifié.
Civ 1ère, 17 avril 2019, n° 18-15.486
Article corédigé par Me Sophia BINET et Clotilde Delabre, Étudiante à l'IEJ Université Panthéon-Assas Paris II
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