Pas d'indemnité d’occupation en cas de location du bien pour l'héritier
Cette question a été tranchée par la 1e Chambre Civile de la Cour de cassation le 18 mars 2020, n° 19-11.206, qui affirme que l’indivisaire qui jouit privativement d’un immeuble indivis n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision dès lors qu’il le loue en vertu d’un bail verbal consenti antérieurement et ce, peu importe que le loyer versé soit inférieur à la valeur locative du bien.
« alors qu'elle avait constaté que Mme Q... occupait l'immeuble indivis en qualité de locataire, de sorte qu'elle ne portait pas atteinte aux droits égaux et concurrents des coïndivisaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
En d’autres termes, l’héritier occupant le bien du défunt au titre d’une location (même avec un loyer modeste) accordé par ce dernier, n’a pas à verser une indemnité d’occupation à l’autre héritier indivisaire. Il peut occuper le bien sans être redevable de quoique ce soit à l’autre
En l’espèce, un homme est décédé, laissant pour lui succéder son épouse ainsi que ces deux enfants, un fils et une fille.
La fille du décès a occupé le logement indivis seule de manière privative. Elle s’est vue ensuite réclamer une indemnité au titre de son occupation dans les lieux dépendant de l’indivision successorale, par la tutrice de sa mère et son frère. En effet « l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité » (art 815-9 al 2).
Pour toute défense, celle-ci argue l’existence d’un « bail verbal » consenti par son défunt père.
Dans un premier temps, la Cour d’appel fait droit à la demande des requérants : elle estime qu’une indemnité d’occupation est due à l’indivision, constatant que le loyer payé était nettement inférieur à la valeur locative du bien.
La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que l’héritière (la fille) résidait dans les lieux en sa qualité de locataire et non pas en celle d’indivisaire, de sorte qu’il n’y a pas lieu au versement d’une indemnité d’occupation sur le fondement de l’article 815-9 alinéa 1 qui dispose que « Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal ».
Ainsi l’occupation privative d’un bien, devenu indivis après le décès de son propriétaire, ne donne pas lieu au paiement d’une indemnité d’occupation dès lors que cette occupation résulte d’une modalité d’exécution du contrat de bail conclu antérieurement à cette indivision et ce, même si le loyer, perçu par les autres indivisaires, est nettement inférieur à la valeur locative du bien.
Par ailleurs, il apparait que la disproportion entre les loyers versés et la valeur locative du bien ne saurait s’apprécier en une donation indirecte, dès lors qu’il existe une contrepartie onéreuse, même modeste (c'est un dire un "petit loyer", à l’usage du bien, de sorte que la preuve de l’intention libérale du défunt père à sa fille s’en trouve compromis.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 mars 2020, 19-11.206, Publié au bulletin
Article coécrit par Me Sophia BINET et Melle Floriane Pannetier, étudiante au Master 2 Droit privé des personnes et des patrimoines à l’Université Paris-Est Créteil.
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