Prestation compensatoire : Que faire s'il dissimule un revenu, de l'argent ?
Prévue à l’article 270 du Code civil, la prestation compensatoire est destinée à compenser la disparité des niveaux de vie créé par le divorce.
Les époux sont libres de fixer le montant de la prestation compensatoire conventionnellement, avec l’aide de leurs avocats pour le chiffrage et la fixation en reprenant, après étude, un examen de la situation des époux, de leur histoire et des capacités financières des parties.
A défaut d’accord entre les époux, la prestation sera fixée par le Juge. Dans ce cas, l’article 271 du Code civil énonce que la prestation est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Pour mener son appréciation, le juge peut prendre en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite.
Cette énonciation n’est pas limitative.
La Cour de cassation vient de rappeler dans un arrêt du 15 janvier 2020 que pour apprécier le montant de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte tous les revenus des époux, y compris les revenus occultes.
En l’espèce, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté la demande de prestation compensatoire de l’épouse, au motif que le divorce ne créait pas de disparité des niveaux de vie entre les époux.
L’arrêt retenait en effet que l’épouse qui suivait une formation, n'était pas rémunérée, et que le mari ne pourrait bientôt plus prétendre qu'à l'allocation de solidarité́ spécifique, d'un montant mensuel de 490 euros.
La Cour de cassation a cependant cassé, et annulé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, jugeant qu’elle aurait dû rechercher, comme l’épouse l’y avait invité, si, l'époux ne continuait pas à avoir une activité occulte de courtage d'œuvres d'art qui lui procurait des revenus.
Dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, les époux doivent en effet se faire connaître mutuellement leurs ressources, patrimoine et conditions de vie.
A ce titre, l’article 272 du Code civil leur impose notamment de fournir au Juge une déclaration, certifiant sur l’honneur de l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
Précisons qu’aucune sanction spécifique n’est prévue par la loi, en cas de défaut de production de cette déclaration, ou de déclaration mensongère. La Cour de cassation juge ainsi que la déclaration sur l’honneur n’est pas une condition de recevabilité de la demande de prestation compensatoire.
Il pourrait donc être tentant de ne pas en produire ou de produire une fausse déclaration de ressources.
On attend cependant des époux qu’ils fassent preuve de loyauté.
La loi fait obligation aux époux de fournir au juge des informations exactes sur leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
Cass. 1re civ., 15 janv. 2020, n° 18-26.012 : JurisData n° 2020-000449
Mais que se passe-t-il lorsqu’un des époux a dissimilé des éléments de ses revenus pour tenter de diminuer la valeur de la prestation compensatoire ?
1/ Le recours en révision du jugement de divorce
La Cour de cassation juge que la dissimilation de revenus par l’époux débiteur d’une prestation compensatoire est une fraude, qui ouvre le recours en révision de l’article 595 du Code de procédure civile (Cass. 2e civ., 21 févr. 2013).
L’époux qui a été victime peut donc, dans les deux mois de la dans les deux mois de la découverte de la dissimulation, demander la révision du jugement de divorce, pour obtenir une prestation compensatoire, ou la réévaluation de son montant, si la fraude est établie.
2/ L’allocation de dommages et intérêts
L’époux qui a été victime peut aussi obtenir réparation de son préjudice, en demandant l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240du Code civil.
3/ Le délit d’escroquerie au jugement
La dissimulation de ressources d’un époux lors d’un divorce constitue, en outre, donner lieu à une procédure pénale pour escroquerie au jugement.
Il s’agit en effet d’un délit, prévu à l’article 313-1 du Code pénal, et punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000€ d’amende.
Article corédigé par Me Sophia BINET et Clotilde Delabre, Étudiante à l'IEJ Université Panthéon-Assas Paris II
Vous souhaitez divorcer, calculer votre prestation compensatoire, avoir de plus amples informations sur le sujet ?
Vous pouvez contacter Maître Sophia BINET, avocate à PARIS depuis 2008 pour toutes questions en droit de la famille et pour toute question d'ordre patrimonial.
Le Cabinet vous conseille et assure votre défense devant toutes les juridictions de Paris et Ile de France ainsi qu'à travers la France via un réseau de partenaires.