Situation de concubinage d’un époux et prestation compensatoire
Dans un arrêt récent du 4 juillet 2018, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a retenu que pour fixer le montant de la prestation compensatoire, outre le versement d’une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, le juge doit notamment prendre en compte les conséquences d’une éventuelle situation de concubinage sur les ressources et le partage des charges de l’époux.
Par cet arrêt, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 29 mars 2016, qui avait condamné un époux au versement d’une prestation compensatoire sans prendre en compte le versement par ce dernier d’une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, ni le fait que son épouse qui était en situation de concubinage partageait ses charges avec son nouveau compagnon.
Le divorce met fin au devoir de secours et à la contribution aux charges du mariage, de sorte que les époux n’ont plus de devoir d’entraide matérielle réciproque.
Pour autant, le divorce peut avoir pour effet de créer un déséquilibre entre les conditions de vie des époux. Dans cette hypothèse, l’époux qui se retrouve confronté à une chute de son niveau de vie peut demander le versement d’une prestation compensatoire destinée à « compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » (Code civil, article 270, alinéa 2).
Pour fixer le montant de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte les besoins et les ressources de chacun des époux (Code civil, article 271 alinéa 1er).
L’article 271 alinéa 2 dresse une liste des critères que le juge peut prendre en compte à ce titre tels que : la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les éventuels sacrifices professionnels faits par un époux pour se consacrer à l’éducation des enfants et favoriser la carrière de son conjoint, la consistance de leur patrimoine existant et prévisible.
Cependant, cette liste n’est pas exhaustive et le juge peut être amené à prendre en considération d’autres éléments.
La 1ère Chambre civile énonce ainsi deux règles essentielles pour calculer le montant de la prestation compensatoire :
* D'une part, elle rappelle que les sommes versées au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants sont à prendre en considération pour le calcul de la prestation compensatoire, en ce qu’elles constituent des charges, devant venir en déduction de ses ressources.
* D'autre part, la 1ère Chambre civile retient que lorsqu’un époux vit en concubinage avec un nouveau compagnon, le juge doit prendre en compte les conséquences de cette situation de concubinage sur ses ressources. En l’espèce, la Cour d’appel de PARIS avait retenu que l’épouse, créancière de la prestation compensatoire, avait pour seules ressources des prestations sociales, dès lors qu’elle n’avait pas travaillé pendant la vie commune. La 1ère Chambre civile a cependant censuré la décision, considérant que la Cour d’appel aurait dû prendre en compte la situation de concubinage de l’épouse, puisque celle-ci partageaient ses charges avec son nouveau compagnon.
Ce n’est pas la première fois que la 1ère Chambre civile adopte une telle solution puisqu’elle avait rendu un arrêt dans le même sens le 13 mars 2007 (C. cass, 1ère Civ, 13 mars 2007, n° 06-16.565). Cette décision n’avait cependant pas fait l’objet d’une publication au bulletin, contrairement au présent arrêt.
La 1ère Chambre civile avait également adopté une solution similaire, cette fois dans le cadre de la fixation du montant d’une contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant (Cass. 1ère Civ., 14 mai 2014, 13-12602).
Pour le calcul du montant d’une prestation compensatoire, comme d’une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, le juge doit donc tenir compte la situation de concubinage des parties et de l’incidence des revenus du nouveau concubin sur ses ressources et ses charges.
Cour de cassation, 1ère Chambre civile 4 juillet 2018, n° 17-20.281
Article corédigé par Me Sophia BINET et Clotilde Delabre, Étudiante à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne