Une ordonnance de protection refusée au motif de l’absence de danger malgré des violences conjugales avérées
La Cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 15 décembre 2016, infirmé l’Ordonnance de protection prononcée le 4 octobre 2016 par le Juge aux affaires familiales qui avait donné droit à la demande de protection d’une femme victime de violence conjugales par son mari violent.
Pour rappel en effet, l’article 515-9 du Code civil dispose que : « lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ».
En outre, l’article 515-11 du même code précise que : « l’ordonnance de protection est délivrée, dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés »
Au regard de ces dispositions, deux conditions apparaissent comme indispensables à l’obtention d’une ordonnance de protection. En effet, il faut :
d’une part qu’il existe des faits de violences vraisemblables au sein du couple,
et d’autre part, que cette violence ait créé une situation de danger pour la victime.
En l’espèce, la vraisemblance d’actes de violence a été admise par la Cour puisque le mari lui-même, auteur de ces violences, ne nie pas leur existence. La Cour estime que « le fait que les violences aient pu être exercées à l’occasion de disputes conjugales ne peut les justifier (…) ».
Néanmoins, par un raisonnement choquant, la Cour d’appel a refusé d’accorder à l’épouse victime une ordonnance de protection pour les motifs suivants :
la communauté de vie s’est poursuivie après les plaintes de l’épouse qui n’a pas mis en œuvre une procédure de séparation ;
les conjoints n’ont pas changé de de vie après le dépôt de plainte de l’épouse ;
la déclaration de l’épouse devant la police disant que son mari « n’était pas méchant et n’avait pas un mauvais fond».
Ainsi, malgré la vraisemblance, et de surcroît la reconnaissance, de l’existence de violences exercées par le mari à l’égard de sa femme, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’au vu des éléments précités, l’épouse n’était pas en situation de danger et ne pouvait donc pas bénéficier d’une ordonnance de protection.
Cet arrêt met ainsi en avant un raisonnement révoltant pour toutes les victimes de violences conjugales à savoir que les violences passées (pourtant reconnues) seraient insuffisantes pour établir une situation de danger au jour du jugement.
Il faudrait donc qu’au jour où le Juge statue, il y ait encore des violences avérées et que le conjoint violenté fasse tout pour se séparer… Mais cela est bien entendu rendu parfois impossible en raison des contraintes financières qu’impose une séparation, et aggravée par le fait que les juridictions n’ont pas de dates d’audiences à bref délai pour entendre ces dossiers.
Article co-rédigé par Me Sophia BINET et Melle Helena LAJRI, IEJ Nanterre Université
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